Mon patron a toujours été un bel enfoiré. Je continue à garder mon self-contrôle, mais si je craque, son nom sera en tête de ma liste. Et je suis certaine que je n'aurai pas son meurtre sur la conscience.
---~O~---Déjà longtemps avant qu'il ne soit transformé – il y a un bon nombre de siècles – George Mc Bovin était un emmerdeur né. Il portait un long débardeur bleu avec un col en V profond qui laissait mon esprit m'imaginer en train de caresser la tablette de chocolat qui soulignait son abdomen. J'admets, avec un peu de retenue, le fait qu'il soit affreusement sexy. Mais ça ne m'empêchait pas de le détester.
---~O~---Il était penché sur mon bureau et me regardait fixement de ses yeux marron comme s'il cherchait quelque chose sur mon visage. Une horrible tactique de sa part. Ses yeux pivotèrent sur la gauche. Je suivis instinctivement son regard et finis par comprendre. Il visait, pour la énième fois, mon précieux cendrier rose.
— On ne fume pas dans les bureaux, Sylvia, articula-t-il.
Je tendis la main et tirai le cendrier vers moi. La cigarette qui y était allumée m'appartenait et je comptais bien la finir.
— Je sais, répondis-je, ne le lâchant pas du regard.
— Alors, pourquoi as-tu encore allumé une cigarette ? Pour m'énerver ?
— C'est fou comme tu comprends vite, tu n'es pas si idiot en fait... le provoquai-je.
— Attention à ce que tu dis, je pourrais bien te...
— Me virer ? le coupai-je. Tu m'as menacé de cette façon tellement de fois...
George éclata soudainement de rire. Devant lui, je me permettais de terminer ma clope. Qu'il soit mon patron ne changeait strictement rien. Je fais ce que bon me semble, mais il y a quand même des limites. Et je n'avais jamais osé les dépasser. Peut-être devrais-je tenter le coup un de ces quatre...
---~O~---J'écrasai ma cigarette et poussai mon cendrier d'une main. Je levai les yeux vers mon séduisant patron et lui souris.
— Tu es venu pour autre chose, ou c'était simplement pour le fait que j'ai eu envie de fumer dans mon bureau ?
La climatisation ronronnait tranquillement et les murs gris et noirs conféraient une certaine sobriété qui s'accordait parfaitement à ma personne. Je soupirai.
— Simplement pour te prévenir qu'il y avait un rassemblement au sous-sol.
— Avec qui ? le questionnai-je.
— Des personnes que tu apprécies, répondit-il, taquin.
Je grimaçai. Son sourire s'élargit. J'allais devoir affronter mon emmerdeur numéro deux : un maître du nom de Joffrey. Et je redoute particulièrement le moment où il me demandera de l'accompagner à sa soirée puis à une réunion. Il faisait partie de mes clients. Ce n'est pas que je sois escorte girl, mais il m'avait promis une importante somme d'argent si j'assurais ses arrières et me montrais régulièrement avec lui. Ah l'argent... Cependant, George Mc Bovin était bien pire. Il lui fallait vingt mille euros au grand minimum pour qu'il accepte de rendre un service. Et on ne m'offrait que cinq mille par sortie.
---~O~---Je me levai de mon fauteuil et quittai le bureau. George me suivit de très près. Et sa présence dans mon dos n'était pas rassurante. Mais alors, pas du tout.
---~O~---Jules, l'un de nos secrétaires, passait tranquillement dans le couloir. Il ne me jeta qu'un simple regard. Un homme intelligent. Le seul qui n'éprouve pas le désir de venir m'enquiquiner à longueur de journée. La seule personne sage dans mon maudit boulot. Nous n'étions que trois femmes, mais les deux autres, je me ferais un immense plaisir de les égorger. Même les femmes se mettent à me taper sur les nerfs. Je me rapprochai de la cage d'escalier qui nous conduirait à mon putain de client. Je jetai un coup d'½il à mon patron qui me fixait de ses yeux couleur topaze. Regarder un vampire dans les yeux pouvait être dangereux. George était assez puissant pour tuer quelqu'un en paralysant son esprit. Affreuse manière de tuer. Et même en étant immunisée, je pouvais très bien finir avec un trou au milieu de l'estomac. Tiens, ça me rappelle quelques souvenirs... et merde !
Je ne soutins pas son regard plus d'une minute et attrapai la poignée de la porte. Valait mieux que j'évite de trop l'embêter. Je pourrais finir comme Jeudi dernier. J'en ressens encore la douleur. Ça m'apprendra à ne pas savoir contrôler mes pulsions de domination.
---~O~---Nous rejoignîmes le sous-sol en quelques secondes. L'air était humide, comme dans un égout. Je poussai la lourde porte devant moi. En entrant dans la pièce, le seul sentiment qui m'envahit fut de l'ennui. La pièce était vide de meuble. J'appuyai mon épaule contre le mur de pierres brutes et regardai la scène qui se déroulait devant moi. Joffrey était tout noir vêtu. Ses cheveux blonds avaient été coupés courts. Son visage portait quelques cicatrices imperceptibles à l'½il humain. Mon patron les salua, lui et ses hommes de meute. Je restai à l'écart du groupe. Me placer au milieu d'hommes pervers que je n'appréciais absolument pas serait une énormité de ma part. Je restai en retrait, mais néanmoins attentive au sujet. Joffrey me regardait, se foutant de ce que l'un de ses clebs lui informait. Soudain, il leva la main pour le faire taire puis s'approcha de moi.
— Tu sais que cette conversation te concerne, Sylvia ?
— J'ai des oreilles, je peux parfaitement entendre de là où je suis, lui assurai-je.
— Oui, mais il serait préférable que tu sois parmi nous, proposa-t-il, souriant.
— Je suis parmi vous, mais me mêler à vos corps, ça non.
Il pencha la tête, le regard presque attendri. Ses yeux me reluquèrent de haut en bas. J'étais vêtue d'une jupe et d'un tailleur de couleur noir. Mon vêtement de travail n'était bon que pour le bureau, quand je faisais la paperasse. En réel service, j'avais intérêt à prendre un pantalon. Je soutins le regard du maître loup. Dans certaines villes existaient les maîtres vampires et les Alpha. Ici, à Nancy, nous mélangions les deux noms. Joffrey était un maître vampire ainsi qu'un puissant Alpha. Il faisait partie des rares personnes à avoir été infectées par les deux races dans le même endroit : un hôpital. Une transfusion sanguine l'a fait devenir loup et un vampire est venu le transformer lors d'une attaque au même moment. Encore aujourd'hui, il me semble impossible qu'il soit devenu les deux. Et pourtant, c'était vrai, et ça se voyait.
Devant moi, il était toujours protecteur, possessif et pervers. Il y avait des jours où me pelotonner contre lui serait une bonne idée. Mais je me méfie. Jusque là, je n'avais jamais eu l'occasion de voir son meilleur côté : être doux comme un agneau. Mais les agneaux... il leur suce le sang.
Pour un Alpha de son rang, être doux n'était pas chose à montrer devant tous. Pour un maître vampire, il préférait me soumettre quand l'occasion se présentait. Mais je tente assez souvent de le voir sage et câlin. Et ça marche bien.
Joffrey s'approcha de moi. Je restai immobile.
— Tu es sûre, Sylvia ?
— Oh oui, lui répondis-je.
Je me décalai, voulant l'éviter pour ne pas prendre de risques. Je ne voulais pas qu'il tente une approche. Il se tourna vers moi et ouvrit la bouche. Aucun son n'en sortit. Derrière lui, son toutou de compagnie l'appelait doucement. Joffrey referma la bouche et son regard devint brillant. Il repartit en se déhanchant tranquillement et, sans prendre la peine de se retourner vers moi, il me dit :
— Je dois aller à une fête ce soir et j'ai besoin – encore une fois - de ton agréable présence et de ta formidable protection.
Trop de flatterie en une seule phrase. Ça ne sentait pas bon tout.
— Tu es mon client, renchéris-je, nonchalante.
Il tourna la tête.
— C'est oui ?
Pourquoi me posait-il la question ? Il attendait que je lui dise quelque chose en particulier ? Ah oui...
— Peux-tu monter le montant de ma prime histoire que je vienne avec le sourire et que l'envie de buter toutes les personnes louches qui rôdent autour de toi ne me prenne pas ?
— Je t'offre le double, Sylvia, mais je compte sur toi pour l'excellent travail que tu fourniras.
Je me détachai du mur.
— Tu me connais, je fais toujours de l'excellent boulot.
J'entendis le rire amer de mon patron résonnait. Je le foudroyai du regard. Joffrey se joignit à son hilarité. Son rire était plus plaisant à entendre que celui de George.
— Au lieu de rire, dis-moi pourquoi tu as besoin de mes services, tu as assez de garde du corps avec toi, pourquoi me vouloir en plus ce soir ?
— N'oublie pas que ta notoriété est en plein accroissement quand tu es avec moi...
— En quoi ma notoriété a-t-elle un rapport avec ça ?
Joffrey me sourit, dévoilant ses crocs de loup. Ses yeux se transformèrent. Loup et vampire à la fois. C'est fou à quel point il pouvait être séduisant.
— D'après la plupart de mes sources, le clan de Bernis et celui d'Aljeno veulent ma peau.
Je me demande s'il était mort comme un vampire... peut-être était-il un vivant sans c½ur ayant la peau froide pendant la nuit et brûlante la journée. À moins que ce ne soit l'inverse.
J'aimerais bien le toucher... Je remarquai soudainement que mes yeux étaient braqués sur son torse. Et zut ! Je me repris et levai les yeux vers son visage.
— Qui sont-ils ?
— Puisque que je vais bientôt devenir Maître de la ville, Bernis veut m'attraper.
— C'est un vampire, devinai-je. Et Aljeno ?
— Question de territoire, répondit-il en penchant la tête pour se gratter le cou.
— Hum... hum j'espère qu'il est homosexuel.
Il sourit, les yeux remplis d'amusement.
— Pourquoi ?
— Vu l'effet que je fais ici, j'ai bien peur de m'en prendre plein si ça l'envahit.
— C'est ton odeur qui nous fait ça, se défendit-il.
Je lui souris. Mon ½il que c'est à cause de mon odeur, bande de pervers !
— Vous êtes en manque de sexe.
De la surprise se lut sur son visage.
— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
— Tu t'humectes souvent les lèvres en me regardant, ton regard est plein de perversité et que je ne parle pas de tes spasmes d'excitation...
Il écarquilla les yeux, maintenant sombre. Je pensai avoir dit un mot de trop... mais non. D'un ton sarcastique, j'ajoutai :
— Et ce n'est pas le seul concerné...
Joffrey éclata de rire, un rire à la fois blessant comme du verre brisé et délicieux. Il avait de fabuleux atouts cet homme-là. Monstre à double visage. Il était craquant comme pas d'autre. J'irais jusqu'à supposer qu'il rendait George Mc Bovin très jaloux, rien que pour le fait qu'il réussisse à m'approcher et à me serrer dans ses bras quand mon service entamait son premier tour. À vrai dire, sa présence à lui était plus facile à supporter que celle de mon patron ou des autres. Joffrey était peut-être pervers, mais bien moins que mes collègues, même s'il ne le montrait jamais.
Joffrey prit soudain son air sérieux.
— Ecoutes Sylvia, tu as l'odeur et la présence d'une dominante. Les loups-garous sont très attirés par ça. C'est notre nature. Si tu avais été une lycanthrope, un Alpha t'aurait enlevé rien que pour coucher avec toi et parler avec ta bête.
— Mais ça aurait été un viol.
— Ça aurait été un viol, répéta-t-il. Et tu sais où peuvent aller les Alpha pour vivre ce genre de chose.
Je le savais oui. Rien que pour parler à une dominante avec une présence assez forte pour contrôler une meute à elle toute seule, l'Alpha serait prêt à la violer et à la séduire après pour qu'elle devienne sa Lupa. Si cette dernière refusait, il avait le choix entre la laisser partir et la tuer. Malheurs à celles qui ont cette présence sans l'avoir souhaité.
Sentir la bête de quelqu'un d'autre c'était magique, m'a-t-on dit. Grâce à ce genre d'acte, les loups arrivent à savoir qui est le mieux, qui peut faire ci et qui peut faire ça. Entre mâles, c'était bien plus compliqué, cela dit.
Et bien heureusement pour moi, je n'étais pas une lycanthrope. Loin de là.
---~O~---Encore quelques petites choses à régler dans mon bureau. La soirée commençait à huit heures et selon Joffrey, il me fallait mettre une robe pour me fondre dans la masse. En service, valait mieux ne pas attirer l'attention, mais en robe... si je devais attaquer, ça risquerait d'être compliqué.
---~O~---Je me rappelle encore les derniers mots que Joffrey m'a susurré à l'oreille avant que je ne parte : courte de préférence. Et il me semble que j'ai tremblé.
Faisons-lui plaisir pour une fois. Pas trop courte, mais assez pour que je puisse lever les jambes.
---~O~---Juste une question : je mets du rouge à lèvres ou je me contente d'un simple gloss ?
---~O~---Réponse : Rouge à lèvres.
Laissez vos impressions.
Ophélie. R
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